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Les actes constituant
un danger general (interétatique) consideres comme delites des droit
des gens
par Raphaël Lemkin
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Délits
de droit des gens considèrès en gènèral.
B) Persécuton des collectivités de race de confession ou sociales (actes de barbarie), C) Destruction des oeuvres d'art et de culture (actes de vandalisme), D) Provocation des catastrophes et interruption intentionnelle de Ia comunication internationale, E) Propagation des contaminations.
Proposition en matière de Convention.
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La notion des délits de droit des gens provient de la lutte solidaire de la communauté civili sée contre la criminalité. Du point de vue formel, cette solidarité se manifeste dans le principe de la répression universelle, principe basé sur la possibilité de juger le délinquant sur le lieu de son appréhension (forum loci deprehensionis), quels que soient le lieu ou le crime a été commis et la nationalité de l'auteur. Conformément à ce principe, si l'action a été commise sur le territoire de l'Etat A, et l'auteur sera arrêté sur le territoire de l'Etat B, c'est ce dernier Etat qui le jugera pour l'action commise ailleurs. Un tel auteur est considéré comme ennemi de la communauté internationale tout entière, c'est pourquoi dans chaque Etat il sera poursuivi pour son acte qualifié de nuisible pour toute la communauté internationale. Ce principe de la répression universelle ne s'applique
pas à toutes les infractions, mais seulement à celles qui
sont considérées comme particulièrement nuisibles
pour la communauté internationale dont ils menacent les interêts,
soit d'ordre matériel, soit d'ordre moral (délits de droit
des gens). Le fait même que les infractions de cette catégorie
sont punissables atteste qu'il existe une conscience juridique de la communauté
internationale civilisée. Rappelons, à l'appui de cette
thèse que certaine infractions ou illégalités commises
sur le territoire de l'Etat A, provoquent des reactions spontanées
de la part des autres Etats, ce qui se manifeste soit dans les voix de
la' presse, soit dans les protestations collectives publiques, soit même
dans les démarches diplomatiques en faveur des victimes de telles
infractions (interventions d'humanité). a) piraterie, Cette liste a été complétés lors
des Congrès ultérieurs (entre autres par 1st Congrès
du Droit Comparé à La Haye en 1932). De même, les
recherches scientifiques se sont engagées dans la voie de la construction
de nouveaux délits de droit des gens, ainsi p. ex. l'incrimination
de la propagande de la guerre d'agression, dûe à l'initiutive
du Prof. E. St. Rappaport. Le
problème du délit de terrorisme A la suite d'une invitation spéciale de la part du Comité d'organisation, invitation dont je me sens très flatté, jai l'honneur de présenter à la Haute Conferénce la rapport sur une question, qui, ayant été maintes fois discutée au cours des Conférences Internationales pour l'Unification du Droit Pénal, n'a pu jusqu'a present aboutir au rapprochement et à l'accord entre les opinions d'emineats savants, exprimées à ce sujet. Cette question se rattache à l'initiative de la Conférence de Varsovie (1927), qui a rangé parmi les délits de droit des gens "l'emploi intontionnel de tous moyens capables de faire courir un danger commun". La III-e Conférence pour l'Unification du Droit Pénal (Bruxelles, 1930) devait s'occuper de la codification do ces délits, la formule de la Conférence de Varsovie, citée incidemment devant servir de point de départ pour cette délibération. Le Comité d'organisation de la Conférence de Bruxelles a ajouté à la formule varsovienne, entre parenthèses, le mot "terrorisme". Ce supplément accidentel est devenu d'une telle importance, qu'ensuite il fut traité comme sujet principal, au détriment de in question originaire; on a cessé de s'occuper de l'emploi intentionnel do tous moyens capables de faire courir un danger commun enforçant de codifier un délit nouveau, le terrorisme. (1) Ces efforts n'ont pas réussi ni à Bruxelles, ni à Paris. Cette tâche d'ailleurs n'a pu être accomplie, parce que le terrorisme ne s'applique pas à une forme législative synthétique "Terrorisme" ne constitue pas une notion juridique; "terrorisme", "terroristes", "actes de terrorisme" ce sont des expressions employées dans la langue courante et dans la presse pour définir un état d'esprit spécial chez les délinquants qui en outre réalisent encore de par leurs actions des délits praticuliers. Donc M.. le professeur Rocco avait raison de soulever pendant la discussion à la Conférence de Paris, que le terrorisme no présente pas de conception uniforme, mais embrasse une quantité d'actes criminels différents. Dans cet état de choses nous sommes d'avis, que la création d'un nouveau délit de droit des gens nommé terrorisme sernit inutile et superflue; il faut plutôt mutatis mutandis revenir à la formule de Varsovie, et par voie d'analnyse de celle-ci créer une série de dispositions, concernant des actions tellement nuisibles et dangoreuses pour la communauté interantionale que leur caractére du délit de droit des gens serait consideré par tons comme indiqué et nécéssaire et ne saurait soulever ancune objection. Mais In notion du danger commum sur laquelle est basée la formule varsovienne, est trop limitée; il faut l'élargir encore. Il ne s'agit pas notamment du danger commun, mais d'une notion plus large, du danger général, que nous voulons appeler danger interétatique. Le danger commun menace les individus personnellement indéterminés, ou une quantité indéterminée des biens sur un terriroire plus on moins déterminé, tandis que le danger général (interétatique) menace les intérêts de plusieurs Etats, on de leurs habitants. (2) Ainsi p. ex. l'incendie d'une maison est un délit qui consiste a provoquer le danger commun, parce que le feu pent se transporter sur les maison voisines, mais cet acte ne peut être considéré comme un délit de droit des gens, parce qu'il présente aucune menace aux intérêts de la communauté internationale. En partant de la formule de Varsovie, modifiée in fine comme suit: "
. . . tous moyens, capables de faire courir un danger général
(interétatique)", j'ai l'honneur de proposer à la Haute
Conférence de ranger parmi les délits de droit des gens
les délits suivants: a) actes de barbarie, b) actes de vandalisme,
c) provocation de catastrophes dans la communication internationale, d)
interruption intentionnelle de la communication internationale par Poste,
Télégraphe, Téléphone ou par la T.S.F., e)
propagation de la contamination humaine, animale ou végétale.
Si nous analysons les idées directrices de certains délits de droit des gens, comme la traite des blanches, des enfants et des esclaves, nous voyons que si ces délits sont considérés comme punissables, cela est dû aux postulats humanitaires. Il s'agit ici, avant tout, de défendre la liberté et la dignité de l'individu, et d'empêcher qu'un être humain soit traité comme une merchandise. Certaines autres dispositions relatives aux délits de droit des gens concernent la protection des relations normales entre les collectivités, p. ex. le délit de la propagande de la guerre d'agression. L'incrimination des attentats centre les moyens de communication a pour but d'assurer les relations internationales culturelles aussi bien qu'economiques. Donc à base de certains délits nous trouvons l'attentat contre le domaine des droits individuels (dont l'importance est telle qu'ils intéressent la communauté internationale toute entière), tandis que d'autres délits concernont les relations entre l'individu et la collectivité ainsi que les rapports entre deux ou plusieurs collectivités. Pourtant, il existe des délits qui unissent en eux les deux éléments suscités. Ce sont notamment les attentats portés contre un individu en tant que membre d'une collectivité. La volonté de l'auteur tend non seulement à nuire à l'individu, mais, en premier lieu, à porter préjudice à la collectivité à laquelle appartient ce dernier. Ces infractions visent non seulement le droit de l'homme, mais de plue et surtout, elles sapent les fondements même de l'ordre social. (3) Citons ici, on premier lieu, les actions exterminatrices dirigées contre les collectivités ethniques, confessionnelles ou sociales quels qu'en soient les motifs (politiques, religieux, etc.); tels p. ex. massacres, pogromes, actions entreprises on vue de ruiner l'existence économique des membres d'une collectivité etc. De même, appartiennent ici toutes sortes de manifestations de brutalité par lesquelles l'individu est atteint dans sa dignité, en cas où ces actes d'humiliation ont leur source dans la lutte exterminatrice dirigée contra la collectivité dont la victime est membre. Pris ensemble, tous les actes de ce caractère constituent un délit de droit de gens que nous désignerons du nom de barbarie. Pris séparément tous ces actes sont punissables dans les codes respectifs; ils devraient constituer des délits de droit des gens on raison de leur trait commun qui est de menacer l'existence de la collectivité visée et l'ordre social. Les effets de tels actes dépassent d'habitude les relations entre individus, ils ébranlent les bases de l'harmonie des rapports communs entre collectivités particulières. Les actions de ce genre dirigées contre les collectivités constituent un danger général, interétatique, vu le caractère contagieux de toute psychose sociale. Pareilles à des epidémies, elles peuvent passer d'un Etat à un autre. Le danger constitué par ces actions a la tendance de devenir stable puisque les effets criminels, ne pouvant être obtenus au moyen d'un seul acte délictueux isolé, nécessitent, an contraire, toute une série d'actions consécutives. Il convient de souligner que ce ne sont pas seulement les intérêts
moraux de la communauté internationale qui sont lésés
par les actes de barbarie, mais, aussi, ses intérêts economiques.
En effet, les actes de barbarie exécutes d'une façon collective
et systématique, provoquent souvent l'emigration ou La fuite désorganisée
de la population d'un Etat à un antre ce qui peut provoquer une
répercussion malfaisante dans les relations économiques
de l'Etat d'immigration, étant donné les difficultés
de travail et le manque de moyens d'existence chez les immigrés.
De plus ce milieu de déracinés est un terrain propice à
toutes sortes de tendances asociales (cf. Le récent assassinat
du Président de la République Française [Paul Deumer,
7 mai 1932]) Les actes de
vandalisme. La lutte centre one collectivité peut s'exprimer par une destruction organisée et systématique des oeuvres, qui soit dans le demaine des sciences, soit dans celui des arts ou des lettres, sont le témoignage et la preuve de l'âme et du génie de cette collectivité . L'apport de toute collectivité particulière dans la culture internationale rentre dans le trésor de l'humanité entière, tout en gardant ses traits caractéristiques. Donc, la destruction d'une oeuvre d'art de n'importe quelle nation doit être considérée comme acte de vandalisme dirigé contre la culture mondiale. L'auteur cause un dommage irréparable non seulement au propriétaire de l'oeuvre détruite et à la collectivité à laquelle ce dernier appartient, (ou bien dent le génie a contribué à La création de cette oeuvre); c'est l'humanité culturelle entière qui est atteinte par cet acte de vandalisme. * Dans les actes de barbarie aussi bien que dans ceux de vandalisme se manifeste
l'esprit spécifique de l'auteur, asocial et destructeur. Cet esprit
est, par définition, contraire à la culture et au progrès
de l'humanité. Il fait reculer l'évolution des idées
jusqu' à l'epoque ténébreuse du Moyen Age; les actes
qu'il provoque bouleversent La conscience de l'humanité entière,
tout en laissant craindre pour son avenir. Pour toutes ces raisons, les
actes de vandalisme et de barbarie doivent etre considérés
comme délits de droit des gens. Provocation
de catastrophes dans la communication internationale.
Comme un bien de haute valeur pour la communauté internationale il faut reconnaître sans aucun doute La sécurité de in communication internationale, terrestre, aérienne ou fluviale. La provocation d'une catastrophe ferroviaire dans un Etat porte en même temps atteinte à la communication internationale, sans, mentionner déjà qu'au cas échéant les citoyens de plusieurs Etats peuvent être victimes. Ces actes constituent un danger général de première importance. Les cas si fréquents ces derniers temps, de catastrophes ferroviaires (tentative de déraillement du train près de Bâle, affaire Matuschka), témoignent d'une certaine prédilection de la criminalité dans la sens d'attentats si faciles à réaliser et de conséquences incalculables. Quoi de plus facile que de poser sur la voie ferrée, dans un endroit désert, des pierres ou autres entraves? Il est très difficile de mettre la main sur l'auteur et les conséquences s'expriment dans la mort de centaines de victimes innocentes. En établissant la répression pour les délits de ce gendre, le legislateur doit partir du point de vue d'une prévention aussi large que possible, la facilité de commettre un tel crime, ainsi que nous l'avons dit plus haut, étant très grande et les chances de découvrir le coupable, minimes. Il faut donc tâcher d'intimider les criminels de la façon la plus expresse. C'est pourquoi en cas de provocation d'une catastrophe dans la communication terrestre, aérienne ou fluviale, devra être appliquée la peine la plus sévère, prévue par le Code en question. Il faut également reconnaître comme bien de valeur internationale le sécurité de la communication postale, téléphonique. télégraphique et par la T. S. F. L'action dirigée contre ces installations provoque un dérangement dans les relations internationales et met des obstacles à la vie internationale. La rupture d'une ligne téléphonique sur un petit secteur d'un Etat quelconque, interrompt simultanément la liaison entre nombreux Etats se trouvant des deux côtés du secteur endommagé. De même, il faut considérer comme délit de droit des gens la propagation de la contamination humaine, animale ou végétale. Ce délit présente on danger général interélatique, étant denne que ces maladies peuvent so propager facilement d'un pays à un autre et provoquer de graves désastres.
Art. 1) Quiconque, par haine à l'egard d'une collectivité de race, de confession ou sociale, ou bien en vue de l'extermination de celle-ci, entreprend une action punissable contre la vie, l'intgrité corporelle, la liberté, La dignité ou l'existence économique d'une personne appartenant à une telle collectivité, est passible, pour délit de barbarie d'une peine de . . ., à moins que son action ne soit prévue dans une disposition plus sévère de Code respectif. Il est souhaitable et necessaire qu'une convention internationale soit conclue pour assurer la répression de tous les délits susmentionnés. _____________ 1) Cf. En cette matière les brilliants rapports du prof. Gunzburg à la Conférence de Bruxelles, et du professeur Radulcsco la Conférence de Paris, ainsi que mon modeste rapport présenté à la Conférence de Paris. 2) Cf. le rapport du savant professeur Donnedieu de Vabres au III Congrès de Droit Penal à Palermo (1933). 3) Le notion de l'ordre social
a été elaborée magistralement par le professeur V.
V. Pella dans son oeuvre, "La répression des crimes contre la personnalité
de l'Etat." ___________ Le
règne de l'Axe en Europe occupée
Raphaël Lemkin, 1944 |
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